Page:Sade - Les crimes de l'amour, Nouvelles héroïques et tragiques, tome 3, 1799.djvu/21

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de tous les hommes ; pourquoi veux-tu qu’il m’effraie ? — Mais sais-tu ce qui t’attend dans une autre vie ? — Que m’importe ? il est en moi de tout braver. — Avance donc ; mais souviens-toi que ta fin est prochaine.

Rodrigue s’éloigne ; bientôt il perd de vue les bords du fleuve de feu, il entre dans un sentier étroit, resserré entre des rochers aigus, dont les cimes touchent les nuages ; à tout instant des quartiers immenses de ces roches, tombant à plomb dans le sentier, ou menaçaient la vie du prince, ou lui barraient le passage. Rodrigue affronte ces dangers, et parvient enfin dans une plaine immense où rien ne guide plus ses pas. Épuisé de fatigue, desséché par la soif et la faim, il se jette sur un monceau de sable. Tout fier qu’il est, il implore le géant qui l’avait descendu dans la tour ; six crânes humains s’offrent à l’instant à lui, et un ruisseau de sang coule à ses pieds ; « tyran, lui crie une voix inconnue, sans qu’il puisse distinguer de quelle créature elle émane, voilà ce qui assou-