Mais me répondez-vous à cela, s’il l’eût créé
tel, l’homme n’eût pas eu de mérite, quelle
platitude ! et quelle nécessité y a-t-il à ce que
l’homme mérite de son dieu ? En le formant
tout-à-fait bon il n’aurait jamais pu faire le
mal, et de ce moment seul l’ouvrage était
cligne d’un dieu, c’est tenter l’homme que de
lui laisser un choix ; or dieu par sa prescience
infinie savait bien ce qu’il en résulterait ; de
ce moment c’est donc à plaisir qu’il perd la
créature que lui-même a formée, quel horrible
dieu que ce dieu là, quel monstre !
quel scélérat plus digne de notre haine et de
notre implacable vengeance ! Cependant, peu
content d’une aussi sublime besogne, il noye
l’homme pour le convertir, il le brûle, il
le maudit, rien de tout cela ne le change,
un être plus puissant que ce vilain dieu, le
Diable, conservant toujours son empire,
pouvant toujours braver son auteur, parvient
sans cesse, par ses séductions à débaucher le
troupeau que s’était réservé l’Éternel, rien ne
peut vaincre l’énergie de ce démon sur nous ;
qu’imagine alors, selon vous, l’horrible dieu
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