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LA PHYSIQUE DE VOLTAIRE.

pent une place distinguée dans notre littérature et qu’on n’a cessé d’imiter.

Le rôle brillant qu’avait ainsi joué Fontenelle convenait admirablement à Voltaire, et l’on doit supposer qu’il fut tenté de le prendre. S’il eût donné suite à ce projet, son nom serait venu se placer sur la liste des secrétaires perpétuels entre ceux de Fontenelle et de Condorcet, et l’office de « premier ministre de la philosophie, » comme l’appelait Voltaire, eût été rempli pendant tout le xviiie siècle, avec des qualités différentes, par ces trois hommes célèbres. Condorcet avait reçu, dès sa jeunesse, cette forte éducation scientifique que rien ne remplace ; c’était un véritable géomètre. Capable d’entrer dans le vif de toutes les questions et d’avoir l’intelligence complète de tous les problèmes, il savait retracer avec une grande netteté de langage les travaux de l’Académie. Ses éloges, moins gracieux, mais plus nourris que ceux de Fontenelle, sont aussi des modèles du genre. « Le public, lui écrivait Voltaire, va désirer qu’il meure un académicien par semaine pour vous en entendre parler. »

Toutefois, hâtons-nous de le dire, si Voltaire eut réellement l’intention que nous lui prêtons, ce ne fut chez lui qu’un dessein passager. Bientôt même il renonça complètement aux études de physique. On dit que Clairaut fut pour beaucoup dans cette résolution. « Laissez les sciences, lui disait-il, à ceux qui ne peuvent pas être poètes. »

Voltaire trouva sans doute que ses progrès dans les sciences ne répondaient pas à ses efforts, et il cessa d’y consacrer un temps qu’il trouvait facilement à mieux employer pour sa gloire. « Tous les hommes, écrivait-il plus tard, ne sont pas nés avec toutes les sortes d’intelligence. J’ai connu le nombre