Page:Saint-Amant - Œuvres complètes, Livet, 1855, volume 1.djvu/133

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LES VISIONS[1].

À Damon.


Le cœur plein d’amertume et l’ame ensevelie
Dans la plus sombre humeur de la melancolie,
Damon, je te decris mes travaux intestins,
Où tu verras l’effort des plus cruels destins
Qui troublerent jamais un pauvre miserable,
À qui le seul trespas doit estre desirable.
Un grand chien maigre et noir, se traisnant lentement,
Accompagné d’horreur et d’epouventement,
S’en vient toutes les nuits hurler devant ma porte,
Redoublant ses abois d’une effroyable sorte.
Mes voisins, eperdus à ce triste resveil,

  1. La croyance aux fantômes, aux magiciens, aux sorciers, au diable, étoit alors presque générale V. a ce sujet une plaisante histoire racontée par le cardinal de Retz (t. I. p. 58, édit. de Genève, 1751). — Desmarets de S.-Sorlin dit dans le discours qui précède la 3e édition de son Clovis : « C’est une chose qui n’est que trop commune… que des magiciens et des sorciers qui sçavent faire la grêle et les tempêtes. » — Cyrano a écrit pour les sorciers sa douzième lettre, que Nodier aimeroit mieux, dit-il, avoir faite que les Provinciales — René Bary, dans son journal de cour, fait soutenir la même croyance. —Tristan a écrit une pièce du même genre, les Terreur nocturnes. (Œuvres du sieur Tristan l’Hermite, 1648, in-4, p. 383.)