Page:Saint-Amant - Œuvres complètes, Livet, 1855, volume 1.djvu/213

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Se repaissant le plus souvent,
Comme il fait, d’espoir et de vent.
Il vous traisne une longue latte
Dedans un vieux fourreau de natte,
Pendue au bout d’un marroquin,
Qui vous sangle son casaquin ;
Tantost il vous porte une broche,
Qui fait garde devant sa poche,
De peur qu’en y jettant la main
On ne prist son quignon de pain.
À le voir eu cet équipage,
On diroit qu’il a du courage
Et qu’il est plus fier qu’un Hector ;
Tous ceux qui, domptans leur paresse
S’en vont de bonne heure à la messe,
Le rencontrans tous les matins
Sous le portail des Augustins[1],
Et voyans sur son estamine
Grouiller les monceaux de vermine
Luy jettent l’aumosne en passant,
Qu’il ramasse en les maudissant.
L’autre soir que, pour triste augure,
Il me présenta sa figure,
En la frayeur qui me surprit,
Je creu que c’estoit un esprit,
Fis deux ou trois pas en arrière,
Et me mis soudain en prière ;
Mais je connus, dès qu’il parla,
Qu’il n’estoit rien moins que cela.
Toutesfois, il le peut bien estre,
Et son estat fait bien parestre

  1. Au faubourg Saint-Germain, où la reine (26 septembre 1609) avoit permis a ces religieux de bâtir un couvent qui de-