Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/286

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

promis de garder. Je ne dirai rien, dit le bon-homme, je ne dirai rien : une fille si belle ! qui avoit tant de richesses ! qui est si sçavante ! cela vous lève une gerbe ! Aujourd’hui qu’elle mène quelquefois un chariot, songe-t-elle à son carrosse !... La fermière se leva, fit ôter les plats & apporter le dessert : il étoit composé de fraises très-parfumées, de groseilles, de cerises & d’excellente crême. En même-tems de jeunes servantes jonchoient de fleurs les environs de la table & en bordoient les plats.

Ce spectacle réjouit le bon vieillard ; &, soit qu’il s’en occupât, soit qu’il craignît de déplaire à sa belle-fille, il se tut. Je n’ai pas fait apporter des fleurs au premier service, me dit Sara, parce qu’alors l’odeur des mets est très-agréable ; mais dès qu’on ne veut plus en manger, on ne veut plus les sentir, & c’est alors qu’on aime le parfum des fleurs. J’admirois l’intelligence de Sara dans l’art de rendre les sensations agréables plus agréables encore, & combien elle trouvoit de voluptés sans s’écarter de la plus simple nature. Philips & Sara me paroissoient si vivement occupés l’un de l’autre, si remplis d’attention, si heureux ! Je n’ai jamais vu d’union si délicieuse, parce qu’il