Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/289

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se communique à tous ; si un berger joue de la flûte, un autre chante : plusieurs laboureurs qui conduisent leurs charrues dans des champs voisins, compagnons dans les mêmes peines, les adoucissent l’un avec l’autre ; ils se parlent de leurs espérances, ils s’unissent dans l’égalité de leur sort. Eh ! n’avez-vous jamais vu ceux des travaux champêtres qui sont communs à un plus grand nombre d’hommes rassemblés, comme une fenaison, une tondaison, une moisson ? C’est-là où, malgré l’ardeur du soleil, la soif, la sueur, la fatigue excessive, vous voyez le plaisir, vous entendez des cris de joie.

Philips prit la parole. Je crois, Monsieur, dit-il, qu’il y a de certains plaisirs qui pour être bien sentis veulent être goûtés avec plusieurs hommes qui en jouissent en même-tems. Plus les salles de spectacles sont remplies, plus les émotions y sont vives & agréables, & il en est ainsi de tous les plaisirs qui naissent en nous de l’admiration. Or qu’y a-t-il que l’on puisse admirer davantage & plus souvent que cette terre, ce ciel, ces eaux, ces bois, ces prés, toutes les graces & toutes les richesses de la campagne ? Je crois, continua Philips, que les biens que la nature donne à tous