Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/295

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soient ses devoirs ; mon pere s’apperçut que ce jeune homme avoit beaucoup d’esprit : il voulut l’instruire. Mylord Dorset, disoit-il, a tiré Prior d’un cabaret pour en faire un des meilleurs Poëtes de l’Angleterre ; je ferai peut-être de ce domestique un citoyen éclairé qui fera l’honneur de sa patrie. Nous partîmes pour la campagne où le jeune homme nous suivit. Mon pere avoit de fréquentes conversations avec lui. Dans une de ces conversations il apprit que le desir de soulager la vieillesse de ses parents, par les petites sommes qu’il pouvoit prendre sur ses gages, avoit déterminé l’Ecossois à servir ; ce sentiment si vertueux toucha mon pere au point qu’il ne m’en parla qu’en répandant des larmes ; il voulut sur le champ lui donner une somme considérable que le jeune homme devoit envoyer à sa famille ; mais combien mon pere ne fut-il pas étonné lorsque son laquais refusa le présent qu’on lui vouloit faire ! monsieur, lui dit ce jeune homme, je dois mon travail à mes parents, & le prix que j’en reçois nous suffit à tous ; s’ils étoient dans la misère, j’accepterois vos bienfaits, mais il ne leur faut qu’un peu plus d’aisance, c’est à moi à la leur donner ; le salaire de mes peines est à