Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/301

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notre famille & de vous aimer comme ma fille, après vous avoir aimée depuis long-tems comme celle de mon frere. Cette proposition répandit le chagrin le plus amer dans mon cœur : je rougis, je pâlis, & je répondis à mon oncle avec une froideur qui dut l’offenser. Je lui dis que je n’avois aucune envie de me marier ; que jusqu’à présent mes occupations & mes goûts avoient suffi à mon bonheur ; que si je prenois jamais un mari, je voudrois le connoître beaucoup, & que je me déterminerois par les convenances personnelles plus que par toutes les autres ; mais que dans aucun tems de ma vie je n’oublierois ce que je devois à ma famille.

Mon oncle me demanda la permission de m’amener son fils que je n’avois vu qu’au sortir de son enfance, qui alors étoit d’une figure agréable &, à ce qu’on disoit, plein de goût pour moi. Je répondis à cette nouvelle proposition avec une froideur que je me reprochai ; une foule d’idées se présentèrent à mon esprit & s’y succédèrent avec rapidité.

Lorsque mon oncle fut parti, je m’enfonçai dans un bois obscur où je me promenai long-tems fort agitée, marchant à grands pas, m’ar-