Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/317

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à chacun d’eux un terrain qu’il cultivoit à son gré, & dont il pouvoit vendre les productions. Un esclave qui pendant dix années se conduisoit en homme de bien, étoit sûr de sa liberté. Ces affranchis restoient attachés à mon ami ; leur exemple donnoit de l’espérance aux autres & leur inspiroit des mœurs.

Je voyois les nègres distribués en petites familles, où régnoient la concorde & la gaieté ; ces familles étoient unies entre elles ; tous les soirs en rentrant à l’habitation, j’entendois des chants, des instruments, je voyois des danses ; il y avoit rarement des maladies parmi ces esclaves, peu de paresse, point de vol, ni suïcide, ni complots, & aucun de ces crimes que fait commettre le désespoir, & qui ruinent quelquefois nos colonies.

Il y a trois mois que j’étois à la Jamaïque, lorsqu’un nègre du Benin, connu sous le nom de John, fit révolter les nègres de deux riches habitations, en massacra les maîtres & se retira dans la montagne. Vous sçavez que cette montagne est au centre de l’isle, qu’elle est presque inaccessible, & qu’elle environne des vallées fécondes, où des nègres révoltés se sont autrefois