Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/326

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avoient acquis. Les affranchis venoient se vanter de leur liberté ; ils tomboient ensuite à nos pieds, & sembloient fiers de nous baiser les pieds en présence de Ziméo. Tous ces nègres juroient qu’ils perdroient la vie plutôt que de se séparer de nous : tous avoient les larmes aux yeux & parloient d’une voix entrecoupée : tous sembloient craindre de ne pas exprimer avec assez de force, les sentiments de leur amour & de leur reconnoissance.

Ziméo étoit attendri, agité, hors de lui-même, ses yeux étoient humides ; il respiroit avec peine ; il regardoit tour à tour le ciel, nos esclaves & nous. O grand Orissa, dieu des noirs & des blancs ! Toi qui as fait les ames ; vois ces hommes reconnoissants, ces vrais hommes, & punis les barbares qui nous méprisent & qui nous traitent comme nous ne traitons pas les animaux, que tu as créés pour les blancs & pour nous.

Après cette exclamation, Ziméo tendit la main à Wilmouth & à moi. J’aimerai deux blancs, dit-il, oui, j’aimerai deux blancs. Mon sort est entre vos mains ; toutes les richesses que je viens d’enlever seront employées à payer un service que je demande.