Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/331

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heureux. Ses parents faisoient un usage utile de la passion que nous avions l’un pour l’autre ; je faisois tout ce que me demandoit Matomba, dans l’espérance de me rendre plus digne d’Ellaroé ; l’espérance de s’attacher mon cœur lui rendoit tout facile. Mes succès étoient en elle, ses succès étoient en moi. Il y avoit cinq ans que je vivois dans ces délices, & j’espérois obtenir de mon père la permission d’épouser Ellaroé. Tu sçais que la premiere de nos femmes est notre véritable épouse, les autres ne sont que ses domestiques & les objets de notre amusement : j’aimois à penser qu’Ellaroé seroit ma compagne sur le trône & dans tous les âges ; j’aimois à étendre ma passion sur tout l’espace de ma vie.

J’attendois la réponse du Damel, lorsqu’on vit arriver dans Onébo deux marchands Portugais ; ils nous vendoient des instruments de labourage, des ustensiles domestiques, & quelques-unes de ces bagatelles qui servent à la parure des femmes & des jeunes gens ; nous leur donnions en échange de l’ivoire & de la poudre d’or ; ils vouloient acheter des esclaves, mais on ne vend au Benin que les criminels, & il ne s’en trouve pas dans le canton d’Onébo. Je m’instruisois avec eux des