Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1775.djvu/342

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firent souffrir des tourments que des blancs seuls peuvent inventer ; je résistois à tout.

Un nègre né au Benin, esclave depuis deux ans de mes nouveaux maîtres, eut pitié de moi ; il me dit que nous allions à la Jamaïque, & que dans cette isle on pouvoit aisément recouvrer la liberté ; il me parla des nègres-marons & de la république qu’ils avoient formée au centre de l’isle ; il me dit que ces nègres montoient quelquefois des vaisseaux Anglois, pour faire des courses dans les isles Espagnoles ; il me fit entendre qu’on pouvoit délivrer Ellaroé & son père. Il reveilla dans mon cœur les idées de vengeance, & les espérances de l’amour ; je consentis de vivre, vous voyez pourquoi. Je me suis déjà vengé, mais il me faut retrouver les idoles de mon cœur : il le faut, ou je renonce à vivre. Mes amis, prenez toutes mes richesses, équipez un vaisseau....

Ziméo fut interrompu par l’arrivée de Francisque, qui s’avançoit soutenu par ce jeune nègre qui le premier avoit reconnu son prince. Dès que Ziméo les apperçut, il s’écria : O mon Pere ! O Matomba ! Il s’élança vers lui, en prononçant à peine le nom d’Ellaroé. Elle vit & te pleure, dit Matomba, elle est ici. Voilà, dit-il, en me mon-