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JEAN-JACQUES ROUSSEAU.

C’est surtout pendant la querelle que Rousseau fait à madame d’Épinay que Grimm multiplie ses avertissements et ses prédictions sur le caractère de Rousseau, la blâmant d’avoir voulu garder encore les égards de l’amitié avec un homme qu’il ne fallait traiter que comme un fou ou un méchant. Madame d’Épinay défend la conduite qu’elle a tenue, jugea son tour Rousseau, et cette correspondance devient ainsi une sorte d’enquête sur le caractère et rhumeur de Rousseau. « Je vous en prie, dit Grimm à madame d’Épinay, jouez dans tout ceci le rôle qui vous convient. Vous savez que les fous sont dangereux, surtout quand on biaise avec eux, comme vous avez fait quelquefois avec ce pauvre diable, par des égards malentendus pour ses folies : on en attrape toujours quelques éclaboussures. » Une fois informé de toute l’aventure, voici comment Grimm juge la conduite de madame d’Épinay, lui reprochant toujours d’avoir été trop bonne et trop indulgente : « L’hisloire de Rousseau m’afflige, dit-il ; cet homme finira par être fou. Nous le prévoyons depuis longtemps ; mais ce qu’il faut considérer, c’est que ce sera son séjour à l’Hermitage qui en sera cause. Il est impossible qu’une tête aussi chaude et aussi mal organisée supporte la solitude. Le mal est fait ; vous l’avez voulu, ma pauvre amie, quoique je vous aie toujours dit que vous en auriez du chagrin. Je prends aisément mon parti sur lui:il ne mérite pas qu’on s’y intéresse, parce qu’il ne connaît ni les droits, ni les douceurs de l’amitié; mais je voudrais vous garantir de tous les dangers, et voilà ce que je ne trouve pas facile. Il est certain que cela finira par quelque diable