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viii
INTRODUCTION.

sent l’amour du vrai. Le style n’a rien de cette fougue et de ces irrégularités qu’il aura quelquefois, mais qu’il n’a pas toujours et nécessairement chez Saint-Simon. À force de le vouloir définir dans toutes ses diversités et ses exubérances, il ne faut pas non plus se faire de ce style un monstre. Très-souvent il n’est que l’expression la plus directe et la plus vive, telle qu’elle échappe à un esprit plein de son objet.

L’année suivante (1694), dans les loisirs d’un camp en Allemagne, il commence décidément ses Mémoires qu’il mettra soixante ans entiers à poursuivre et à parachever. Il y fut excité « par le plaisir qu’il prit, dit-il, à la lecture de ceux du maréchal de Bassompierre. » Bassompierre avait dit pourtant un mot des plus injurieux pour le père de Saint-Simon : cela n’empêche pas le fils de trouver ses Mémoires très-curieux, « quoique dégoûtants par leur vanité. »

Le jeune Saint-Simon est vertueux ; il a des mœurs, de la religion ; il a surtout d’instinct le goût des honnêtes gens. Ce goût se déclare d’abord d’une manière singulière et presque bizarre par l’élan qui le porte tout droit vers le duc de Beauvilliers, le plus honnête homme de la Cour, pour lui aller demander une de ses filles en mariage, ou l’aînée, ou la cadette, il n’en a vu aucune, peu lui importe laquelle ; peu lui importe la dot ; ce qu’il veut épouser, c’est la famille ; c’est le duc et la duchesse de Beauvilliers dont il est épris. Cette poursuite de mariage qu’il expose avec une vivacité si expressive a pour effet, même en échouant, de le lier étroitement avec le duc de Beauvilliers et avec ce côté probe et sérieux de la Cour. C’est par là qu’il se rattachera bientôt aux vertueuses espérances que donnera le duc de Bourgogne.

Une liaison fort différente et qui semble jurer avec celle-ci, mais qui datait de l’enfance, c’est la familiarité et l’amitié de Saint-Simon avec le duc d’Orléans, le futur Régent. Là encore toutefois la marque de l’honnêteté se fait sentir ; c’est