Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 1.djvu/228

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le furent en effet de part et d’autre, mais après que M. de Richelieu nous en eut donné à nous tous, et à notre conseil, à ses amis à pleines mains, et surtout aux bibliothèques.

En même temps, l’honnêteté et la bienséance furent un peu rétablies entre M. de Luxembourg et nous. Je fus surpris d’en recevoir le premier des demi-révérences ; j’y répondis par d’entières qui l’engagèrent à me saluer désormois à l’ordinaire, mais sans nous parler ni nous approcher, comme cela n’arrivoit que très-rarement et à fort peu d’entre nous.

M. de Bouillon, anciennement en cause avec nous, s’en étoit désisté, comme je l’ai dit, dès le commencement de ce renouvellement ; et, sans nous en dire un mot à pas un, l’avoit fait signifier à quelques-uns de nous, entre autres à M. de La Rochefoucauld et à moi. Son prétexte étoit misérable, parce qu’il n’avoit rien de commun avec M. de Luxembourg. Celui-ci prétendoit à titre de son mariage, l’autre par celui de son échange de Sedan avec le roi. Il fut mal payé de cette désertion en plus d’une manière. Il en parla au premier président qui, n’ayant pas les mêmes raisons à son égard qu’à celui de M. de Luxembourg, lui répondit, avec un sourire moqueur et une gravité insultante, que les duchés d’Albret et de Château-Thierry ne sont point femelles dans leur première érection ; qu’elle avoit été faite pour Henri III et pour Henri IV, avant qu’ils parvinssent à la couronne ; que, pour obtenir l’ancienneté de ces érections, il falloit qu’il prouvât sa, descendance masculine de ces princes ; qu’il souhaitoit pour l’amour de lui qu’il le pût faire, et le laissa fort étourdi et fort honteux d’une réponse si péremptoire et telle. M. de Luxembourg, de son côté, n’oublia aucune raison dans un de ses factums, pour mettre au grand- jour la chimère de la prétention de M. de Bouillon et pour la mettre en poudre ; de sorte que nous aurions été pleinement vengés, et par nos parties mêmes, si le crédit et la considération que nous pouvions espérer de son union avec nous avoit pu nous laisser quelque chose à regretter.