Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/138

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les uns des autres, n’osa plus lui parler autrement, et qui d’usage ayant passé en droit, y auroient hasardé l’insulte si quelqu’un d’eux se fût avisé de lui parler autrement.

Ce qui est prodigieux à qui a connu le roi, galant aux dames une si longue partie de sa vie, dévot l’autre, souvent avec importunité pour autrui, et dans toutes ces deux parties de sa vie plein d’une juste, mais d’une singulière horreur pour tous les habitants de Sodome, et jusqu’au moindre soupçon de ce vice, M. de Vendôme y fut plus salement plongé toute sa vie que personne, et si publiquement, que lui-même n’en faisoit pas plus de façon que de la plus légère et de la plus ordinaire galanterie, sans que le roi, qui l’avoit toujours su, l’eût jamais trouvé mauvais, ni qu’il en eût été moins bien avec lui. Ce scandale le suivit toute sa vie à la cour, à Anet, aux armées. Ses valets et des officiers subalternes satisfirent toujours cet horrible goût, étoient connus pour tels, et comme tels étoient courtisés des familiers de M. de Vendôme et de ce qui vouloit s’avancer auprès de lui. On a vu avec quelle audacieuse effronterie il fit publiquement le grand remède, par deux fois prit congé pour l’aller faire, qu’il fut le premier qui l’eût osé, et que sa santé devint la nouvelle de la cour, et avec quelle bassesse elle y entra, à l’exemple du roi, qui n’auroit pas pardonné à un fils de France ce qu’il ménagea avec une faiblesse si étrange et si marquée pour Vendôme.

Sa paresse étoit à un point qui ne se peut concevoir. Il a pensé être enlevé plus d’une fois pour s’être opiniâtré dans un logement plus commode, mais trop éloigné, et risqué les succès de ses campagnes, donné même des avantages considérables à l’ennemi, pour ne se pouvoir résoudre à quitter un camp où il se trouvoit logé à son aise. Il voyoit peu à l’armée par lui-même, il s’en fiait à ses familiers que très souvent encore il n’en croyoit pas. Sa journée, dont il ne pouvoit troubler l’ordre ordinaire, ne lui permettoit guère de faire autrement. Sa saleté étoit extrême, il en tiroit vanité ;