Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/166

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Le 11 mars M. de Vendôme eut à Versailles une fort longue audience du roi dans son cabinet, où il prit congé pour aller passer deux jours dans la maison de Crosat à Clichy, et partir de là pour l’Italie. Il avoit [su] se retourner par degrés. Porté par l’intérêt de M. du Maine et par tout le crédit de Mme de Maintenon, il avoit représenté au roi l’extrême dégoût qu’il avoit eu en Italie de la présence de Tessé ; que, puisqu’il avoit bien voulu lui donner la patente de maréchal général, telle que l’avoit eue M. de Turenne pour commander tous les maréchaux de France, il lui demandoit au moins la grâce de commander en Italie ceux qu’il y pourroit envoyer. Le roi, combattu dans son plus intérieur, épris comme il l’étoit de M. de Vendôme, voulant qu’il donnât bataille en arrivant, comptant sur lui pour protéger le siège de Turin qui étoit résolu, ne voulut pas le renvoyer mécontent. Il se tint quitte à bon marché de la restriction que lui-même proposoit à la grâce qu’il demandoit, et mis au large sur ce qu’il ne parloit plus du motif de sa naissance. Chamillart eut donc ordre d’écrire de sa main un simple billet à Vendôme que le roi signa de la sienne, par lequel le roi lui promettoit qu’en cas que le bien de ses affaires l’obligeât d’envoyer un maréchal de France en Italie, il ordonneroit à ce maréchal de France de lui obéir et de prendre l’ordre de lui, en Italie seulement, en considération des grands services qu’il lui avoit rendus en ce pays-là. Vendôme en fut content, l’emporta avec lui, s’en vanta fort au point précis de son départ, bien résolu à s’en faire un échelon à monter à sa prétention de commander à tous les maréchaux de France à la fin, sans patente, et par naissance. Cette première écorne les mortifia fort, et le maréchal, de Villeroy sur tous qui avoit paré le grand coup, dont celui-ci lui fit avec raison prévoir et craindre le retour. Le roi ne recommanda rien davantage à Vendôme que de chercher les ennemis partout en arrivant et les combattre. M. de Vendôme le lui promit, et on va voir qu’il tint parole.