Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/440

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aimé et respecté en Provence, où, à force de manger et de n’être point aidé, il se ruina. Il ne lui restoit que deux filles : Mme de Vibraie, fille de la sœur de la duchesse de Montausier, que les mauvais traitements de la dernière Mme de Grignan-Sévigné forcèrent à un mariage fort inégal, et qui fut toujours brouillée avec eux ; et Mme de Simiane, fille de la Sévigné, adorée de sa mère comme elle l’étoit de la sienne. Elle avoit épousé Simiane par amour réciproque. Il avoit peu servi, et il étoit premier gentilhomme de la chambre de M. le duc d’Orléans, léger emploi alors, mais qui par l’événement lui valut la lieutenance générale de Provence, dont le roi n’avoit pas disposé lorsqu’il mourut.

Le maréchal de Chamilly mourut à Paris le 7 janvier, après une longue maladie, à soixante-dix-neuf ans. C’étoit un grand et gros homme, fort bien fait, extrêmement distingué par sa valeur, par plusieurs actions, et devenu célèbre par la défense de Grave. On en a parlé ailleurs à diverses reprises. Il étoit fort homme d’honneur et de bien, et vivoit partout très honorablement ; mais il avoit si peu d’esprit qu’on en étoit toujours surpris, et sa femme, qui en avoit beaucoup, souvent embarrassée. Il avoit servi jeune en Portugal, et ce fut à lui que furent écrites ces fameuses Lettres Portugaises, par une religieuse qu’il y avoit connue et qui étoit devenue folle de lui. Il n’eut point d’enfants. Son nom étoit Bouton, dont il y a eu des chambellans des derniers ducs de Bourgogne, province d’où ils étoient. Il ne laissa vacant que le gouvernement de Strasbourg, que le roi donna au maréchal d’Huxelles, qui fut un beau morceau ajouté à son gouvernement d’Alsace où néanmoins il ne retourna plus. La vérité est que, pour plus de trente mille livres de rentes que valoit Strasbourg, il en rendit douze mille d’appointements du gouvernement de Brisach.

En ce même commencement de janvier, Fénelon, aujourd’hui conseiller d’État d’épée, lieutenant général, gouverneur du Quesnoy et chevalier de l’ordre après avoir été