Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/116

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L’objet d’Albéroni étoit 1° de sauver l’honneur du roi d’Espagne ; 2° d’établir et confirmer le repos de l’Italie ; 3° d’assurer les successions de Toscane et de Parme aux fils de la reine d’Espagne. Le projet, dressé sur ce fondement, étoit de partager les États d’Italie ;

Obtenir pour le roi d’Espagne Naples et Sicile, et les ports de Toscane, et l’assurance réelle des États du grand-duc et du duc de Parme pour un des fils de la reine, si ces princes mouroient sans héritiers ;

Diviser l’État de Mantoue eu donnant une partie du Mantouan au duc de Guastalla, et l’autre partie, avec la ville de Mantoue, aux Vénitiens ;

Le Milanois entier, avec le Montferrat, à l’empereur, et la Sardaigne, au duc de Savoie, pour le dédommager de la Sicile, et lui conserver le titre de roi qu’il auroit perdu avec la Sicile ;

Enfin la restitution de Commachio au pape, pour faire acte de sa créature.

À l’égard des Pays-Bas catholiques, il les partageoit entre la France et la Hollande.

Tel étoit le plan qu’Albéroni s’étoit fait. Il rejetoit toute autre proposition, principalement la simple assurance des successions de Toscane et de Parme à un fils de la reine, qu’il appeloit un appât trompeur, un leurre des amis de l’empereur pour lui laisser loisir et liberté de s’emparer de toute l’Italie en moins de deux mois. Il représentoit soigneusement ce prince comme en état d’imposer des lois à toute la terre après ses victoires de Hongrie, mais dont il n’étoit pas impossible d’arrêter les vastes desseins par de justes bornes, si toute la terre ne se laissoit pas saisir d’une terreur panique. Il vouloit persuader que les troupes impériales étoient fort diminuées par les maladies, et que les Turcs reparaîtroient en Hongrie plus en force que jamais. De tout cela on concluoit que ce cardinal vouloit allumer un incendie en Italie qui embrasât toute l’Europe, et qui obligeât