Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/122

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

accommodement convenable à tous les partis. Il ne leur donnoit rien en cela que la saison avancée ne lui prescrivît aussi bien que l’impuissance actuelle. En attendant, il travailla sans relâche à ramasser l’argent et toutes les choses nécessaires à une grande expédition. Il reçut très mal un mémoire que le roi d’Angleterre lui fit donner par son ministre, contenant des représentations très vives. Il se plaignit avec emportement à Londres et à Paris dés discours que Stairs y avoit tenus.

Il ne comptoit plus sur la cour de Londres, trop dévouée à celle de Vienne ; toute sa ressource étoit la Hollande, à qui il n’oublioit rien pour rendre l’empereur odieux, et pour la persuader de prendre des mesures avec lui pendant l’hiver, pour établir un juste équilibre en Italie. Il étoit principalement touché de diviser ce que l’empereur et le roi de Sicile y possédoient, et de partager cette partie de l’Europe, comme il a déjà été dit. Il promettoit aux Hollandois que l’Espagne doubleroit ses forces l’année prochaine, sans avoir besoin d’aucun emprunt, et il donnoit des commissions d’acheter des vaisseaux de guerre en Angleterre et en Hollande. Riperda, tout dévoué au cardinal, y écrivoit ce qu’il lui dictoit. Beretti mandoit que la proposition de prendre cette république pour médiatrice de la paix y avoit beaucoup plu ; et, dans le dessein peut-être de s’attirer la négociation, il soutenoit qu’il la falloit traiter à la Haye, parce que le ministère du roi d’Angleterre étoit tellement impérial, qu’on se défioit de lui en Hollande, jusque-là que le Pensionnaire, quoique si autrichien de tout temps, lui avoit dit qu’on ne songeoit à Londres qu’à entraîner la Hollande en des engagements dont l’Angleterre auroit tout l’honneur, et dont la dépense retomberoit toute sur les Provinces-Unies. Ainsi Beretti croyoit que la seule démarche que feroient les Hollandois seroit d’employer leurs offices pour la paix. On pensoit de même à la Haye du régent. Il étoit vrai qu’on avoit été fort touché en Hollande de la confiance du roi d’Espagne sur la médiation.