Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/154

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qu’une fille, qui a épousé, avec de grands biens, le second fils du duc de Noailles. Mme la duchesse de Berry la choisissoit volontiers, avec la marquise de La Rochefoucauld, fille de Prondre, pour aller avec elle coucher aux Carmélites, et leur disoit toujours : « Je vous amène mes deux bourgeoises. »

Cette princesse si haute et si fière, avec qui les seuls princes du sang pouvoient manger, et encore point à l’ordinaire ni en public, hors à des mariages, mais à la campagne et en particulier, mangeoit avec tous les roués de M. le duc d’Orléans, et chez elle avec des hommes de peu de chose, et avec un jésuite d’esprit et de manège, qui s’appeloit le P. Riglet, qu’elle avoit connu de jeunesse par ses femmes, et qui en disoit des meilleures.

Elle imagina aussi d’avoir un maître de la garde-robe. C’est une charge de valet. Joyeux, mort premier valet de chambre de Monseigneur, l’avoit été de la reine. Ceux de la reine mère et des deux Dauphines ne valoient pas mieux. Elle trouva une manière de chevalier d’industrie, grand spadassin de son métier, bâtard d’un Gouffier, qui se faisoit appeler Bonivet, qui ne vouloit point être bâtard, et qui pourtant n’a pu être autre chose ni reconnu comme légitime de pas un de la maison de Gouffier. Il trouva là quelques petits gages dont il avoit besoin, et y espéra quelque fortune par son manège. Mme la duchesse de Berry le prit, et dit en confidence à Mme de Saint-Simon, qui ne lui en parloit point, que c’étoit une espèce de nom qu’elle mettoit dans sa maison, de plus un homme de main qu’elle étoit bien aise d’avoir, parce que, bien aujourd’hui avec M. le duc d’Orléans, cela pouvoit changer, et qu’il falloit avoir chez soi de quoi se faire compter. Tels étoient la tête et le cœur de cette princesse.

On apprit la mort du cardinal Arias, archevêque de Séville, un des plus honnêtes hommes et des meilleures têtes d’Espagne, et qui avoit le plus contribué au testament de