Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/200

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du roi d’Espagne, avoit menacé de publier bien des choses, s’il étoit pressé de faire connoître que ses ennemis étoient ceux qui trahissoient le pape, parce qu’ils étoient vendus à l’empereur. Le cardinal Albane, qui se reconnut aisément à ce portrait, et fort en peine des dénonciations qu’Aldovrandi pouvoit produire, fit divers manèges pour l’adoucir, sans toutefois risquer de déplaire aux Allemands qu’il informoit des affaires les plus secrètes, que la faiblesse du pape lui confioit sans réserve. Quand il étoit nécessaire de les instruire avec plus de détail, il ne se faisoit aucun scrupule de prendre sur les tables du pape les mémoires qu’on lui donnoit et de les remettre à Gallas.

Cet ambassadeur n’étoit pas le seul bien informé de l’intérieur du palais. Acquaviva l’étoit fort bien aussi. Il sut qu’Aldovrandi mandoit au pape que le roi d’Espagne pourroit consentir à la restitution de la Sardaigne, non comme préliminaire, mais comme acte de concorde, si d’ailleurs il recevoit les satisfactions qu’il demandoit. Malgré l’obscurité de cette expression, le pape crut avoir beaucoup obtenu. Il s’en servit avec art auprès des Allemands ; il dit à Gallas qu’il s’excuseroit auprès du roi d’Espagne de se charger de la médiation parce qu’il voyoit qu’on se défioit à Vienne des offices qu’il s’étoit proposés pour la pacification entre les deux cours. Gallas, surpris de la proposition et n’ayant point d’ordre de son maître, n’osa prendre sur soi de la rejeter. Il pria le pape de lui permettre de lui en écrire. Le pape y consentit, et donna ses ordres en même temps à son nonce à Vienne. Mais ces propositions de paix ne suspendirent pas les instances que Gallas faisoit au pape de rompre ouvertement avec l’Espagne. Ceux qui connoissoient bien le pape n’étoient pas surpris de l’entendre menacer de se porter à des résolutions extrêmes, et parler imprudemment ; mais ils étoient bien persuadés qu’il n’exécuteroit rien du tout, et qu’il ne prendroit jamais d’engagements à craindre, tant