Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/361

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le repos de l’Italie et l’équilibre de l’Europe ; mais que Sa Majesté Catholique, occupée seulement du bien public, étoit prête d’acquiescer à tout autre expédient qu’on trouveroit utile et conduisant également au but qu’elle se proposoit.

Albéroni s’élevoit souvent contre la léthargie des puissances de l’Europe. Il condamnoit l’ignorance crasse, disoit-il, de ceux qui croyoient une guerre universelle nécessaire pour mettre l’empereur à la raison. Il formoit un projet facile selon lui pour parvenir à ce but. Il demandoit seulement que la France fournît quarante mille hommes, et s’unît aux rois d’Espagne et de Sicile pour s’opposer de concert aux entreprises des Allemands. Il assuroit que, cette union faite, aucune autre puissance n’aideroit l’empereur ; que les Hollandois demeureroient spectateurs ; que les Anglois, retenus par l’intérêt du commerce, n’oseroient, pour complaire à leur roi, fournir à l’empereur les secours qu’il lui avoit promis. Dans cette confiance, il protestoit que rien ne l’empêcheroit de suivre son chemin. Il avouoit qu’il se flatteroit d’un succès certain si la France entroit dans les projets qu’il méditoit. Il écrivoit au régent qu’il ne pouvoit trouver d’intérêt ni de bonheur solide que dans une union avec le roi d’Espagne, la seule que l’honneur et la probité lui indiquoient ; que tout autre engagement seroit au contraire accompagné de déshonneur et d’opprobre. Il soutenoit que l’un et l’autre se trouvoient dans ce qui se proposoit à Londres ; que les garanties des successions de Parme et de Toscane, dont les souverains et un successeur de chacun étoient pleins de vie, étoient des sûretés imaginaires ; qu’il seroit nécessaire, avant d’entrer en négociation, de proposer des moyens plus solides d’empêcher ces États de tomber entre les mains de l’empereur lorsque ces successions viendroient à s’ouvrir.

Le bruit du prochain envoi de Nancré à Madrid s’y étant répandu, les ministres étrangers qui y résidoient en prirent de l’inquiétude, et interrogèrent Albéroni sur les dispositions qu’ils crurent voir à quelque nouveau traité. Il répondit