Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/399

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qu’il lui en diroit davantage dès le moment qu’il pourroit s’expliquer plus clairement. Bernsdorff, le principal des ministres hanovriens, dit à ce même envoyé qu’il jugeât lui-même s’il étoit possible au roi d’Angleterre de rien communiquer au roi de Sicile avant de savoir si l’empereur et le roi d’Espagne consentiroient à s’accommoder ensemble ; il ajouta qu’un projet n’étoit pas un traité, qu’avant d’en venir à la conclusion, il y avoit toujours beaucoup de choses à changer dans un premier plan ; que, lorsqu’elles en seroient à un certain point, le roi de Sicile en auroit une entière communication. L’envoyé fit en cette occasion les protestations que tout ministre croit être du goût de son maître en pareille conjoncture. Il dit que jamais ce prince ne plieroit pour quelque raison que ce pût être quand il s’agiroit de son honneur, de son avantage, de celui de sa maison ; que, plutôt que d’y souffrir volontairement le moindre préjudice, il s’exposeroit à toute sorte de péril ; que, s’il y succomboit, la honte de sa perte tomberoit entièrement sur les garants des derniers traités. Provane employoit moins de paroles, mais il parloit plus fortement à Paris que La Pérouse ne parloit à Londres ; car il laissoit entendre que, si son maître manquoit de forces ou de volonté, et ne défendoit pas pied à pied la Sicile, et s’il n’employoit pas pour la conserver tous les moyens que suggère un cas désespéré, il pourroit bien songer à des échanges très douloureux pour la France. Un tel discours n’avoit pas besoin d’explications, car il étoit aisé d’entendre que l’échange qu’il vouloit faire craindre étoit celui des États de Piémont et de Montferrat, que le roi de Sicile céderoit à l’empereur pour avoir de lui le royaume de Naples à joindre à la Sicile. Cellamare appuyoit les menaces indirectes de Provane. Il se plaignoit qu’il ne trouvoit que léthargie dans le gouvernement. Il réitéroit souvent et vivement ses sollicitations, mais il trouvoit que tout le monde crioit à la paix, et que personne n’appuyoit alors les propositions de l’Espagne.