Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/54

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avoir achetées ceux dont les charges ne les font pas. Cela fait donc dans les armées un amas très nombreux de colonels, brigadiers, officiers généraux, qui n’ont ni n’ont jamais eu de troupes, qui n’ont jamais été en détachement que comme simples cornettes, lieutenants ou capitaines de cavalerie, et qui, nonobstant leurs grades, continuent, tant qu’ils ont ces charges, d’être détachés sur le même pied. Il est vrai que sur le gros de l’armée ils marchent à leur tour suivant leur grade d’armée ; mais, au nombre qu’ils sont de chaque grade, marcher ainsi se borne à deux ou trois fois par campagne, qui n’est pas le moyen d’apprendre, quand précédemment surtout on n’a rien appris ni eu occasion d’apprendre. Cette double façon d’être détaché produit une cacophonie ridicule en ce que le lieutenant, détaché avec sa troupe distinguée, et qui dans le total du détachement ne sert que comme un lieutenant de cavalerie à la tête de quinze ou vingt maîtres, est souvent brigadier [1] et même maréchal de camp, aux ordres, non seulement de son cadet de même grade ou même inférieur qui commande le tout, mais à ceux des colonels et des lieutenants-colonels détachés avec lui à leur tour de marcher, et qui, sous le chef, commandent à tout le détachement. Voilà en peu de mots pour la guerre ; venons aux autres inconvénients.

Celui de la gendarmerie est unique : c’est ce qu’il en coûte de plus au roi que pour ses troupes ordinaires, en place de fourrages pour les officiers, et en traitements de quartiers d’hiver pour le total de la gendarmerie, ainsi qu’en routes et en étapes, ce qui gît encore en un calcul bien aisé. Pour ce qui est des gens d’armes, chevau-légers et, mousquetaires, c’est une autre manière de compter avec eux qui va encore plus loin. Ces troupes, en si petit nombre pour la guerre, quand même (ce qui ne peut être) les quatre compagnies iraient

  1. Général de brigade.