Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/181

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l’amiral Bing a reçus du roi d’Angleterre. » Ce ministre étoit persuadé qu’ils étoient bornés à traverser le passage et le débarquement des troupes espagnoles en Italie. L’un et l’autre étant exécutés suivant son calcul, il supposoit que l’Angleterre croiroit, en envoyant sa flotte, avoir satisfoit aux engagements qu’elle avoit pris avec l’empereur sans être obligée de les étendre plus loin, et de faire de gaieté de cœur la guerre à l’Espagne. Il vouloit ménager la cour d’Angleterre et la nation Anglaise ; il conservoit l’espérance d’y réussir, dans le temps même qu’il voyoit les forces navales de cette couronne couvrir les mers pour soutenir les intérêts de l’empereur, et lui porter de puissants secours contre les entreprises du roi d’Espagne. Un officier de marine Anglois s’étoit donné à Sa Majesté Catholique. Son nom étoit Camock, et le projet dont il avoit flatté le cardinal étoit de corrompre environ quarante officiers de la flotte Anglaise, de les faire passer au service d’Espagne, quelques-uns même avec les vaisseaux qu’ils commandoient. Stanhope se plaignit qu’une telle proposition eût été acceptée dans un temps de paix et d’union entre les couronnes d’Espagne et d’Angleterre. Albéroni répondit à ces plaintes en niant qu’elles fussent légitimes ; il traita Camock de visionnaire, dit que son projet étoit celui d’un fou et d’un enragé ; que le roi d’Espagne avoit actuellement à son service plus d’officiers de marine qu’il ne pouvoit en employer. Il assura que jamais il n’avoit eu de correspondance avec ce Camock ; qu’il ne le connoissoit pas, quoique véritablement il eût reçu de Paris plusieurs lettres en sa faveur, et que Cellamare le lui eût recommandé particulièrement. Il n’avoit point encore le projet du roi d’Espagne, et le mois de juillet s’avançoit sans que le colonel Stanhope sût autrement que par les conjectures et par les raisonnements vagues du public quelle étoit la destination de l’escadre espagnole. On jugeoit qu’elle aborderoit aux côtes de Naples ou de Sicile, et on jugeoit par les conférences fréquentes que le ministre de, Sicile avoit avec le cardinal,