Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/212

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et sa maison. « On ne comprend pas, disoit Albéroni, comment le régent ne connoît pas une vérité si évidente, comment il veut s’unir à un ministère si incertain et avec une nation sur qui on ne peut pas compter. » De ces réflexions Albéroni passoit à une espèce de menace : « Si, disoit-il, Son Altesse Royale veut signer une ligue si détestable, le roi d’Espagne fera les pas qu’il estimera convenables aux intérêts du roi son neveu, aussi bien qu’à la conservation d’une monarchie et d’une nation qu’il protégera et qu’il défendra jusqu’à la dernière goutte de son sang. Sa Majesté Catholique pourra dire qu’elle a satisfoit à tous ses devoirs par les représentations qu’elle a faites pour mettre le régent dans le chemin de la justice. Enfin cvravimus Babyloneni. » Albéroni ajoutoit : « Dieu sait ma peine à modérer la juste indignation du roi d’Espagne, quand il a su les sollicitations du régent envers la Hollande ; je suis las de parler davantage de modération, Leurs Majestés Catholiques commencèrent à s’ennuyer de cette chanson. » Cet échantillon des conférences de Nancré avec Albéroni peint à peu près le fruit qu’il remporta de sa mission en Espagne, où il avoit été envoyé principalement pour appuyer et seconder les instances de Stanhope. Albéroni disoit que le régent auroit été convaincu de la solidité des réponses du roi d’Espagne, s’il eût été question de persuader l’entendement et non la volonté.

Le cardinal, encore plus piqué du refus des bulles de Séville que des négociations du régent avec le roi d’Angleterre, ne doutoit pas que la conquête de la Sicile ne lui donnât les moyens de se venger du pape personnellement, aussi bien que des principaux personnages, de la cour de Rome. Il menaçoit déjà la maison Albane d’une estafilade que le roi d’Espagne pouvoit aisément lui donner. Il voulut aussi avoir une liste exacte des cardinaux et prélats romains possesseurs d’abbayes ou de pensions ecclésiastiques dans la Sicile. Ébloui du désir de vengeance, il bravoit par avance les censures de Rome, et disoit que, puisque Sa Sainteté