Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/340

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dignité ; je vous somme de me dire si jamais je vous ai parlé qu’en serviteur, indépendamment d’être duc et pair. — Oh ! quelquefois, » me dit-il en homme moins persuadé que peiné d’être acculé. Je ne voulus pas le battre à terre. « Monsieur, lui dis-je, allez, vous me rendez plus de justice, mais au moins pour cette fois vous voyez si je songe au bonnet, tandis que vous êtes piqué contre le parlement, et si je ne soutiens pas les bâtards de toutes mes forces. Pesez cette conduite avec mon goût, que je n’ai jamais caché, mais aussi n’oubliez pas jusqu’à quel point vous vous êtes aliéné les ducs et de quelle conséquence et en même temps de quelle facilité il est de les regagner si le pied vous glisse avec M. le Duc sur M. du Maine ; car si vous faites la faute de lui ôter l’éducation, tablez que de lui ôter son rang avec ne vous l’éloignera pas plus que le seul dépouillement de l’éducation, son rempart présent et ses vastes espérances, et que cela nous est si capital que vous vous en raccommoderez avec nous. — Pour cela, me dit-il, il n’y aura pas grand inconvénient ; mais c’est qu’il faut éviter d’ôter l’éducation à cette heure. Il est de mon intérêt de le faire une autre fois, et alors comme alors, mais aujourd’hui il n’est pas de saison et vous avez la plus grande raison du monde. Ce M. le Duc me fait peur, il en veut trop et trop fermement. — Mais comment l’entendez-vous ? lui répartis-je ; ne me dîtes-vous pas hier que M. le Duc vous avoit assuré qu’il ne se soucioit point de l’éducation et qu’il ne l’auroit pas ? — Je l’entends, me répondit-il, qu’il me le dit, mais vous voyez comme il a son dit et son dédit. Il ne s’en soucie pas, mais c’est à condition qu’il l’aura et ce n’est pas mon compte. — Monsieur, lui dis-je d’un ton ferme, ce ne l’est point du tout, mais mettez-le-vous donc si bien dans la tête qu’il ne l’ait pas, car je vous déclare que s’il l’a fait, comme vous êtes, vous vous en défierez, lui s’en apercevra, d’honnêtes gens se fourreront entre vous deux pour vous éloigner l’un de l’autre, et puis ce sera le diable entre vous deux, qui influera sur l’État, sur