Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/393

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pusse dire en entrant en séance la justice qui leur étoit préparée. Il en convint. Après, nous traitâmes la grande question, qui fut sa fermeté à y soutenir la présence des bâtards, et ce qui, par eux et par leurs adhérents, pourroit être disputé en leur faveur. Je lui proposai l’expédient de faire sortir M. le Duc, que ce prince m’avoit fourni, pour faire aussi sortir les bâtards. Le régent l’approuva fort et promit merveilles de lui-même, espérant toujours que les deux frères ne viendroient pas au lit de justice pour n’y pas exécuter le dernier arrêt. Je lui fis sentir le frivole de cette espérance, par les mêmes raisons dont j’en avois désabusé M. le Duc. Mais le régent, toujours porté à l’espérance, voulut toujours se flatter là-dessus.

Je l’exhortai à se préparer à bien payer de sa personne ; je lui inculquai que du succès de ce lit de justice dépendoit toute son autorité au dedans et toute sa considération au dehors. Il le sentit très bien et promit merveilles ; mais ma défiance ne laissoit pas de demeurer extrême. Je le suppliai de se souvenir de toute la faiblesse qu’il montra en la première séance de la déclaration de sa régence où tout lui étoit si favorable, des propos bas et embarrassés qu’il y tint pour le parlement, qui en tiroit maintenant de si grands avantages, jusqu’à en fonder de nouvelles prétentions et lui alléguer ces faits devant le roi en pleines remontrances. Je lui rappelai de plus l’état où dans cette première séance le réduisit l’insolente contestation du duc du Maine sur le commandement des troupes de la maison du roi, dans laquelle il eût succombé si je ne lui avois pas fait rompre la séance, et remettre à l’après-dînée, et dans l’entre-deux si je ne lui avois pas fait concerter tout ce qu’il y avoit à dire et à faire. J’ajoutai que, maintenant qu’il s’agissoit du tout pour le duc du Maine, il devoit ranimer et ramasser toutes ses forces pour résister à un homme qui, ayant su l’embarrasser dans un temps où tout étoit contre lui, mettroit ici le tout pour le tout, appuyé d’un parlement aigri et pratiqué,