Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/9

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attaché peut-être à l’Angleterre par quelque intérêt particulier, souhaitoit ardemment qu’il voulût demeurer uni avec le roi d’Angleterre. Il prévoyoit l’embarras où se trouveroit l’Espagne si les choses en venoient à une rupture, et connoissant qu’elle ne pouvoit soutenir seule un engagement contre les principales puissances de l’Europe, il eût conseillé, s’il l’eût osé, de faire de nécessité vertu, de ne pas mépriser le bénéfice offert, et de rendre grâces pour les offenses ; mais la crainte de déplaire au premier ministre le retenoit ; et c’étoit avec peine qu’il osoit confier à ses amis ce qu’il pensoit sur l’état des affaires. Il se contentoit lorsqu’il en rendoit compte en Espagne de mettre, dans la bouche des autres une partie de ce qu’il n’osoit représenter comme de lui, et quand la nouvelle de l’acceptation de l’empereur fut arrivée, il représenta que ce prince avilit beaucoup gagné auprès de la cour d’Angleterre en prévenant par son consentement celui qu’on attendoit, et qu’on désiroit ardemment du roi d’Espagne.

La France et l’Angleterre, unies et sûres de l’empereur, pressèrent vivement la Hollande de souscrire au traité, et d’entrer avec elles dans les mêmes liaisons ; mais cette république dont les délibérations sont ordinairement lentes, redoubloit encore de lenteur, retenue par le mauvais état de ses finances et par la mauvaise constitution de son gouvernement. L’une et l’autre de ces raisons, obstacles invincibles à la guerre, faisoient désirer ardemment la conservation de la paix. Ainsi la république désapprouvoit la précipitation de l’Angleterre, et trouvoit qu’elle avoit tort de presser l’armement destiné pour la Méditerranée. Les Hollandois, du moins ceux qui ne dépendoient pas absolument de l’Angleterre, accusoient les Anglois d’une égale imprudence, en donnant à l’empereur les moyens de se rendre insensiblement maître de toute l’Italie.

Beretti souffloit le feu qu’il se flattoit, et qu’il se vantoit souvent mal à propos d’avoir excité, et, pour se faire un