Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/171

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temps-là, où il venoit auparavant fort librement de lui-même.

Enfin un dernier objet, mais vif, de cette cabale italienne, étoit de perdre radicalement Grimaldo et par haine personnelle et comme obstacle à leurs projets, desquels il étoit très éloigné par principes d’État et encore par aversion d’eux comme de ses ennemis ; par mêmes principes d’État très favorables à la France, entièrement dévoué à l’union, seul vraiment au fait des affaires étrangères, fort Espagnol et tout à eux, et comme eux tous dans l’aversion active et passive des es Italiens.

Après l’exposition fidèle de ce tableau de la cour d’Espagne alors, j e viens à celle de ce que j e conçus des deux points dont Chavigny m’avoit entretenu, comme du sujet de son arrivée à Madrid.

Je ne vis aucune sorte de bien à espérer du passage actuel de don Carlos en Italie. Ce n’étoit qu’un enfant dépaysé dont la présence ne pouvoit hâter la succession qu’on espéroit pour lui, qui dépendoit de la vie des possesseurs doubles dans chacun des États de Parme et de Toscane, et il me parut qu’un tel déplacement, sans aucun fruit qui en dût naturellement résulter, devoit pour le moins être mis au rang des choses inutiles, et par cela seul destitué de convenance et de sagesse, sans compter la dignité.

À l’égard des inconvénients, ils me parurent infinis. Hasarder pour rien la santé d’un enfant de cinq ou six ans ; l’accompagner nécessairement de personnes qui voudroient considération et profit, qui par conséquent donneroient jalousie aux principaux du pays ; et si on le livroit entre les mains des Parmesans, comme une fille qu’on marie en pays étrangers, ces Parmesans mêmes voudroient tirer considération et profit de leurs places auprès du petit prince, et donneroient aux autres Parmesans la même jalousie. L’enfant venant à croître, en seroit gouverné, excité par eux à vouloir se mêler des affaires pour y avoir part eux-mêmes.