Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 20.djvu/18

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de M. le duc d’Orléans, les combinaisons de ces choses, les parades, les adresses, les batteries, faisoient et emportoient tout celui du premier ministre ; ses emportements pleins d’injures et d’ordures, dont ni hommes ni femmes, de quelque rang et de quelque considération qu’ils fussent, [n’étoient] à couvert, le délivroient d’une infinité d’audiences, parce qu’on aimoit mieux aller par des bricoles subalternes, ou laisser périr ses affaires, que s’exposer à essuyer ces fureurs et ces affronts. On en a vu un échantillon vague par ce qui a été raconté ici de ce qui arriva en pleine et nombreuse audience d’ambassadeurs, prélats, dames et de toutes sortes de gens considérables, à l’officier que j’avois dépêché de Madrid avec le contrat de mariage du roi.

Les folies publiques du cardinal Dubois, depuis surtout que devenu le maître il ne les contint plus, feroient un livre. Je n’en rapporterai que quelques-unes pour échantillon. La fougue lui faisoit faire quelquefois le tour entier et redoublé d’une chambre courant sur les tables et les chaises sans toucher du pied la terre, et M. le duc d’Orléans m’a dit plusieurs fois en avoir été souvent témoin en bien des occasions.

Le cardinal de Gesvres se vint plaindre à M. le duc d’Orléans de ce que le cardinal Dubois venoit de l’envoyer promener dans les termes les plus sales. On a vu ailleurs qu’il en avoit usé de même avec la princesse de Montauban, et la réponse que M. le duc d’Orléans avoit faite à ses plaintes. La vérité est qu’elle ne méritoit pas mieux. L’étonnant fut qu’il dit de même à un homme des mœurs, de la gravité et de la dignité du cardinal de Gesvres, qu’il avoit toujours trouvé le cardinal Dubois de bon conseil, et qu’il croyoit qu’il feroit bien de suivre celui qu’il lui venoit de donner. C’étoit apparemment pour se défaire de pareilles plaintes après un tel exemple ; et en effet on ne lui en porta plus depuis.

Mme de Cheverny, devenue veuve, s’étoit retirée quelque