Page:Saint-Victor - Tableau historique et pittoresque de Paris, 1827, T4 P1.djvu/306

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ment par l’indécence de leurs attitudes et par l’obscénité de leurs chansons. Cet abus de leur art les rendit infâmes ; et une ordonnance de Charlemagne, conforme au décret du concile d’Afrique, déclara que leur témoignage ne seroit pas reçu en justice contre des personnes de condition libre. Cependant ils n’en furent ni moins goûtés ni moins recherchés ; à certaines époques de cet âge, où le désordre de la société politique altéroit même les institutions les plus saintes et produisoit partout le relâchement des mœurs, ils s’introduisirent jusque dans les lieux les plus sacrés, dans les églises, dans les monastères[1], ce qui est prouvé par plusieurs

  1. Il en resta long-temps des traces dans la fête scandaleuse connue sous le nom de fête des Fous, et qu’on doit regarder comme un reste déplorable des superstitions païennes. Au jour qui lui étoit consacré, des prêtres, des clercs, les uns travestis en femmes, les autres vêtus comme des bouffons, chantoient dans le chœur des vers obscènes, mangeoient des soupes grasses sur l’autel, jouoient aux dés à côté du ministre tandis qu’il célébroit le sacrifice, infectoient l’église des ordures qu’ils faisoient brûler dans leurs encensoirs ; et réunis à une foule de gens masqués qui accouroient de toutes parts dans l’église, dansoient, tenoient les propos les plus infâmes, imitoient les postures les plus indécentes. Poussant plus loin encore leurs bouffonneries sacriléges, ils élisoient des évêques, des archevêques et même un souverain pontife, auquel on donnoit le nom de pape des fous, qui officioit pontificalement et donnoit sa bénédiction au peuple. Eudes publia, l’an 1198, un mandement à l’effet de réprimer des désordres si abominables ; mais il y a grande apparence que son autorité échoua contre un usage qui charmoit