Page:Sainte-Beuve - Causeries du lundi, III, 3e éd.djvu/41

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sur un prince que la versatilité française est en train d’exalter et d’amplifier pour le moment, après l’avoir précipité ; seulement je sais qu’un jour, pendant cinq courtes minutes, trois académiciens étaient admis en sa présence, et qu’il trouva moyen de leur dire la date de la fondation de l’Académie de la Crusca, ce qu’aucun des trois ne savait ; et il n’était pas fâché de le dire. L’ancien élève de Mme de Genlis se retrouvait là.

Je touche ici à l’un des légers inconvénients de ce système d’éducation trop fournie et trop touffue. Un autre inconvénient encore, c’est de ne pas laisser aux jeunes esprits qui en sont le sujet un seul quart d’heure pour rêver, pour se développer en liberté, pour donner jour à une idée originale ou à une fleur naturelle qui voudrait naître.

Ajoutez un dernier inconvénient qui affecte l’ensemble de cette éducation tout à la moderne et sans contrepoids : le sentiment de l’antiquité, le génie moral et littéraire qui en fait l’honneur, l’idéal élevé qu’il suppose, y est tout à fait absent, et n’y semble même pas soupçonné. Oh ! qu’il n’en était pas ainsi de l’éducation à la Ponocrates, de l’éducation à la Rabelais (n’en déplaise à ceux qui s’en fâchent !) dont je parlais l’autre jour, et qui embrassait les deux termes de l’art et de l’admiration humaine !

Mais les avantages furent positifs et réels, et l’adversité ne tarda pas à les produire. On a pu faire bien des reproches à Mme de Genlis pour sa conduite dans la Révolution, pour les intrigues où elle trempa et qu’elle a vainement essayé de pallier dans des apologies infidèles ; mais ce qu’on ne saurait lui contester, c’est son amitié vive et, en quelque sorte, sa maternité pour ses élèves, pour Mademoiselle d’Orléans en particulier (Madame Adélaïde), qu’elle emmena avec elle en Suisse en