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À LA PRINCESSE

lait exactement, avec précision, gagnant chaque jour quelque chose, se taisant quand ce qu’il lisait ou ce que j’écrivais lui déplaisait. Quand, au contraire, l’auteur ou le sujet lui allait, il avait de temps en temps des mots secs, vibrants, dits avec colère, avec émotion, et qui coloraient ses pommettes. — Il est en son genre assez dévot — dévot philosophe. Il a si peu de corps et en prend si peu de soin, qu’il est exclusivement pour l’esprit. Son ambition littéraire, intellectuelle, est grande ; je crois même qu’elle n’a pas de limites. Il l’a eue telle dès les débuts. Vers la fin, il était trop formé pour moi, trop lui-même ; il ne se pliait plus qu’avec peine. Mais je l’ai toujours trouvé parfait. Il sait le cas que je fais de lui, de son esprit, de son talent d’expression, quoique j’y trouve beaucoup de roideur. Il est trop mince pour pouvoir être large.

Il est très-distingué. Sa figure le dit. Il ressemble à Jésus-Christ avec finesse. Il est de Rouen. Il a une mère, petite personne spirituelle qui est comme femme de charge ou dame de compagnie dans une grande maison. Il avait pour père un agréé devenu avocat, homme