Page:Sainte-Beuve - Lettres à la princesse.djvu/313

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
306
LETTRES

Que de mécomptes en ce moment ! et laissez moi vous le dire, Princesse, quel désarroi de l’opinion ! Comme tout semble flotter au hasard ! Comment personne ne présente-t-il à l’empereur, dans un court tableau résumé, l’état vrai des esprits, l’espèce de démoralisation politique qui s’est emparée de l’opinion et qu’on a le tort de laisser durer depuis des mois ? Qu’attend-on ? Pourquoi faire des parties sur mer par un mauvais temps là-bas, quand on pourrait si bien jouir ici à Paris du mauvais temps et peut-être conjurer aussi des vents contraires ? Je ne conçois rien à cette façon de faire ou plutôt de ne pas faire. Connaît-on bien le caractère de ce peuple-ci qui passe sans cesse de l’extrême confiance à l’extrême contraire, qui est toujours le même à travers les siècles et les régimes divers, sur lequel il ne faut jamais compter, hormis dans des instants où l’on peut tout en effet ? Mais ces moments passés et quand reprend l’accès opposé, on ne saurait trop veiller, trop avoir la main au gouvernail, être présent, attentif à tout et toujours. Et surtout pas de ces apparences d’interrègne. — Voilà ce que se disent