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sur m. littré.

à ses classifications exactes. Il ne s’en tint pas aux cours de l’École, il passa par tous les degrés de l’externat et de l’internat dans les divers hôpitaux ; il y fut condisciple et collègue des docteurs Michon, Danyau, Natalis Guillot, Gervais (de Caen). À tous, selon l’expression de ce dernier, il inspirait dès lors plus que de l’estime ; c’était du respect. On avait de lui la plus haute idée. Un nouveau Journal de médecine s’était fondé sous les auspices et par la collaboration de jeunes médecins déjà en renom, Andral, Bouillaud, Blandin, Casenave, Dalmas, etc. Ils s’adjoignirent M. Littré, encore interne. Sa carrière médicale semblait tout indiquée, toute tracée. Mais en 1827, son père meurt ; il reste avec sa mère et son frère sans fortune, sans ressource. Il faut soutenir sa mère ; il y pourvoit et donne des leçons de latin, de grec, jusqu’en 1831.

Pourquoi alors ne pas se faire tout simplement recevoir docteur en médecine et ne pas se livrer incontinent à l’exercice d’un art où il était déjà maître, et où les maîtres le traitaient au moins en égal ? On se le demande ; ses amis se le demandèrent dans le temps et le pressèrent de questions, quelques-uns même d’instances. Il avait toutes ses inscriptions ; il ne lui manquait qu’un titre, et ce titre, il ne l’a même pas encore aujourd’hui ; il a toujours négligé de le prendre. Il est membre de l’Académie de médecine, et il n’est pas docteur ! Pourquoi s’être arrêté ainsi au terme, non pas devant le seuil d’une initiation nouvelle et d’une épreuve (ce n’en était pas une pour un tel candidat), mais devant la porte de sortie toute grande ouverte ? Nous touchons là,