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sur m. littré.

qu’en 1834. À partir de ce moment, la publication d’Hippocrate devint l’œuvre capitale de M. Littré, celle sur laquelle se dirigea et se concentra pendant des années son principal effort intellectuel. Les articles, publiés par lui dans la Revue des Deux Mondes depuis 1836, et ailleurs, n’étaient que des accessoires et des hors-d’œuvre.

Je ne puis cependant omettre de signaler quelques-uns de ces beaux articles qui montraient dès lors en M. Littré le médecin et le naturaliste philosophe, le morceau des Grandes Épidémies (Revue des Deux Mondes, 15 janvier 1836), et les deux morceaux précédemment publiés dans un autre recueil (Revue Républicaine, 10 juin et 10 novembre 1834), au sujet des Recherches sur les ossements fossiles, de Cuvier, et des Nouvelles recherches des géomètres sur la chaleur de la terre. Le sentiment de ces époques antérieures à l’homme et à l’humanité, plus grandes que notre faible espèce, qui en embrassent et en dépassent les limites, et qui sont mesurées sur un tout autre compas que nos cadrans particuliers, y respire et y règne sans partage avec une sorte de tristesse sereine. La vue élevée et anticipée qu’eurent de ces choses, dans l’Antiquité même, les Sénèque, les Lucrèce, les Aristote, les Empédocle, M. Littré l’a retrouvée, et il la rend à son tour, en y joignant la connaissance plus précise qui caractérise les modernes :

« On prétend, dit-il, que Virgile, interrogé sur les choses qui ne causent jamais ni dégoût, ni satiété, répondit qu’on se lassait de tout, excepté de comprendre (præter intelligere). Certes, la pensée est profonde, et elle