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sur m. littré.

aux riches qui ont pleine conscience du grand fonds qu’ils portent en eux »)… C’est le même sentiment de probité qui lui inspire la plus vive répugnance pour tout ce qui sent le charlatanisme… La haine qu’Hippocrate ressentait et exprimait à l’égard des charlatans est très-comparable à la haine qui animait Socrate, son contemporain, contre les sophistes. Le médecin et le philosophe poursuivent d’une égale réprobation ces hommes qui abusaient de la crédulité populaire pour vendre, les uns, une fausse médecine, les autres, une fausse sagesse… Il fallait véritablement qu’Hippocrate eût été blessé du spectacle donné par l’effronterie des charlatans et par la crédulité du public pour insister auprès des médecins ses élèves avec tant de force, non pas seulement contre l’emploi d’un charlatanisme honteux, mais encore contre toute conduite dont le soin exclusif ne serait pas d’en écarter jusqu’à l’ombre la plus légère. La guerre aux sophistes faite par Socrate, la guerre à l’esprit de charlatanisme faite par Hippocrate, sont de la même époque et portent le même caractère. »

M. Littré, en cela, est bien un disciple d’Hippocrate. Bien qu’il n’ait pas prononcé le fameux Serment qui lie au sacerdoce médical, il le porte écrit dans son cœur. À le voir passer si souvent tout près de l’éclat en l’évitant, et si en garde contre toute magie, même celle du langage, on ne peut s’empêcher de faire la comparaison de lui à tant d’autres, qui ont du talent, mais aussi la montre et l’emphase du talent.

Venant à définir le style si caractéristique du père auguste de la médecine, cette langue ionienne, chez lui