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sur m. littré.

frappé des malheurs causés par d’irréparables hésitations, et s’il n’avait senti par expérience toute la responsabilité des heures perdues ? M. Littré a là-dessus une belle page.

Le premier volume terminé, M. Littré eut la pensée pieuse de le dédier à la mémoire de son père, et il le fit en des termes qui rivalisent avec ceux de M. Barthélemy Saint-Hilaire, dédiant à la même mémoire sa traduction de la Politique d’Aristote. Savez-vous que de tels hommages sont des épitaphes en lettres d’or ?

« à la mémoire de mon père
MICHEL-FRANÇOIS LITTRÉ…

« Malgré les occupations les plus diverses d’une vie traversée, il ne cessa de se livrer à l’étude des lettres et des sciences, et il forma ses enfants sur son modèle. Préparé par ses leçons et par son exemple, j’ai été soutenu dans mon long travail par son souvenir toujours présent. J’ai voulu inscrire son nom sur la première page de ce livre, auquel du fond de la tombe il a eu tant de part, afin que le travail du père ne fût pas oublié dans le travail du fils, et qu’une pieuse et juste reconnaissance rattachât l’œuvre du vivant à l’héritage du mort… »

C’est ainsi que ce juste et ce sage à la manière de Confucius entend la reconnaissance filiale, et qu’il en motive le témoignage en le consacrant.

Une grande douleur avait frappé M. Littré au moment où il achevait d’imprimer le premier volume (1838), et elle en eût suspendu à coup sûr la publication si elle était venue l’atteindre plus tôt. Il perdit son frère, homme d’esprit et de goût, et qui périt pour s’être livré