Page:Sainte-Beuve - Nouveaux lundis, tome 1.djvu/314

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

PERHAU-LT. 311

corrigé par la raison. Chez un Slave, ce serait, j’imagine, de plus en plus fort. Aussi le poëte Mickiewicz a-t-il fait une querelle non pas d’Allemand, mais de Slave à Perrault, en l’accusant d’avoir trop rationalisé le conte. Mais Perrault, tout en contant pour les enfants, sait bien que ces enfants seront demain ou après demain des rationalistes ; il est du pays et du siècle de Descartes. Descartes (c’est tout naturel) n’estimait pas les contes de la Mère l’Oie : il n’est en rien pour la tradition. S’il avait lu Perrault, il aurait peut-être pardonné. La mesure de Perrault est bien française. Ses Contes ne sont pas à l’usage d’imaginations effrénées. C’est assez que, dans sa rédaction parfaite (je ne parle par des moralités en vers qu’il ajoute), il ait conservé le cachet de la littérature populaire, la bonhomie. Chaque nation d'ailleurs, même en matière de fées, a sa note et sa gamme.

D’où nous vient-il pourtant ce fonds commun de contes merveilleux, d’ogres, de géants, de Belles au bois dormant, de Petits-Poucets aux bottes de sept lieues, tous ces récits d’un attrait si vif et d’une terreur charmante aux approches du sommeil, qui se répètent et se balbutient avec tant de variantes, des confins de l’Asie aux extrémités du Nord et du Midi de l’Europe ? Il est permis là-dessus de rêver plus qu’il n’est possible de répondre..

Quand les aînés de la race humaine partirent en essaims du Mont-Mérou, cette primitive patrie, en emportaient-ils déjà quelque chose ? — Sont-ce, au contraire, les résidus combinés des religions, des supersti-