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POÉSIES

D’un cours lent, uniforme, et pourtant solennel ;
Car ils savent qu’ils vont au rivage éternel.

Et moi qui vois couler cette humble destinée
Au penchant du devoir doucement entraînée,
Ces jours purs, transparents, calmes, silencieux,
Qui consolent du bruit et reposent les yeux,
Sans le vouloir, hélas ! je retombe en tristesse ;
Je songe à mes longs jours passés avec vitesse,
Turbulents, sans bonheur, perdus pour le devoir,
Et je pense, ô mon Dieu ! qu’il sera bientôt soir !


L’ENFANT RÊVEUR


Abandonnant tout à coup mes jeunes compagnons, j’allais m’asseoir à l’écart pour contempler la nue fugitive ou entendre la pluie tomber sur le feuillage.
René


À mon ami ***.


Où vas-tu, bel enfant ? tous les jours je le vois,
Au matin, t’échapper par la porte du bois,
Et, déjà renonçant aux jeux du premier âge,
Chercher dans les taillis un solitaire ombrage ;
Et le soir, quand, bien tard, nous te croyons perdu,
Répondant à regret au signal entendu,
Tu reviens lentement par la plus longue allée,
La face de cheveux et de larmes voilée.
Qu’as-tu fait si longtemps ? tu n’as pas dans leurs nids
Sous la mère enlevé les petits réunis ;