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POÉSIES

Que, les mots hésitant sur la lèvre ravie,
Plus de langueur aussi rapprochera nos fronts,…
Oh ! dans ces courts moments que l’orgueil sacrifie,
Sous le divin éclair que nous ressaisirons,
Puisqu’il n’est que d’aimer pour oublier la vie,
Oublions et mourons !


VIII

SONNET


Une soirée encore était presque passée :
Je ne la voyais plus que devant des témoins ;
Sous ces yeux étrangers, oh ! si nos yeux du moins
Pouvaient en doux éclairs s’envoyer la pensée !

J’étais loin, je me lève ; elle, plus empressée,
Et dans son propre ennui devinant tous mes soins,
D’un trait et sans quitter l’aiguille aux mille points,
Prend la chaise et tout contre à ses pieds l’a placée.

Et quand, l’instant d’après, je cherche où me rasseoir,
Du regard et du doigt où l’aiguille étincelle,
Sa grâce m’a fait signe, et me voilà près d’elle !

Nos regards retrouvés s’oubliaient à se voir ; —
Et toujours, cependant, allaient ses doigts de fée,
Piquant dans le satin la rosette étoffée.