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LES CONSOLATIONS.

 « Puis, quand ces nœuds du sang relâchés avec l’âge
« T’auront laissé, jeune homme, au tiers de ton voyage,
« Avant qu’ils soient rompus et qu’en ton cœur fermé
« S’ensevelisse, un jour, le bonheur d’être aimé,
« Hâte-toi de nourrir quelque pure tendresse,
« Qui, plus jeune que toi, t’enlace et Le caresse ;
« À tes nœuds presque usés joins d’autres nœuds plus forts ;
« Car que faire ici-bas, quand les parents sont morts,
« Que faire de son âme orpheline et voilée,
« À moins de la sentir d’autre part consolée,
« D’être père, et d’avoir des enfants à son tour,
« Que d’un amour jaloux on couve nuit et jour ? »
Ainsi veut la Nature, et je l’ai méconnue ;
Et quand la main du Temps sur ma tête est venue,
Je me suis trouvé seul, et j’ai beaucoup gémi,
Et je me suis assis sous l’arbre d’un ami.
Ô vous dont le platane a tant de frais ombrage,
Dont la vigne en festons est l’honneur du rivage,
Vous dont j’embrasse en pleurs et le seuil et l’autel,
Êtres chers, objets purs de mon culte immortel ;
Oh ! dussiez-vous de loin, si mon destin m’entraine,
M’oublier, ou de près m’apercevoir à peine,
Ailleurs, ici, toujours, vous serez tout pour moi ;
— Couple heureux et brillant, je ne vis plus qu’en toi.


Saint-Maur, août 1829.