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LES CONSOLATIONS.

Poli, froid, et qui dit au cœur de se fermer ;…
Ou si tu m’étais douce, et si j’allais t’aimer !…

Et, sans savoir comment, tout rêvant de la sorte,
Je me trouvais déjà dans ta rue, à ta porte ;
— Et je monte. Ta mère en entrant me reçoit ;
Je me nomme ; on s’embrasse avec pleurs, on s’assoit ;
Et de ton père alors, de tes frères que j’aime
Nous parlons, mais de toi — je n’osais, quand toi-même
Brusquement tu parus, ne me sachant pas là,
Et mon air étranger un moment te troubla.
Je te vis ; c’étaient bien tes cheveux, ton visage,
Ta candeur ; je m’étais seulement trompé d’âge ;
Je t’avais cru quinze ans, tu ne les avais pas ;
L’Enfance au front de lin guidait encor tes pas ;
Tu courais non voilée et le cœur sans mystère ;
Tu ne sus à mon nom que rougir et te taire,
Confuse, un peu sauvage et prête à te cacher ;
Et quand j’eus obtenu qu’on te fit approcher,
Que j’eus saisi ta main et que je l’eus serrée,
Tu me remercias, et te crus honorée.

Ô bien digne en effet de respect et d’honneur,
Jeune fille sans tache, enfant chère au Seigneur,
Digne qu’un cœur souillé t’envie et te révère :
Tu suis le vrai sentier, oh ! marche et persévère ;
Ton enfance paisible est à ses derniers soirs ;
Un autre âge se lève avec d’autres devoirs ;
Remplis-les saintement ; reste timide encore,
Humble, naïve et bonne, afin que l’on t’honore.
Rien qu’à te voir ainsi, j’ai honte et repentir,
Et je pleure sur moi ; — demain il faut partir ;
Mais quand je reviendrai (peut-être dans l’année),
Quand l’œil humide, émue et de pudeur ornée,