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POÉSIES


Que d’éclat derrière cette ombre,
Et quel beau firmament reluit !
Plus l’œil plonge sous le flot sombre,
Plus il voit d’étoiles sans nombre
Dans ce qui lui semblait la nuit.

On emporte de ce rivage
Un saint effroi mêlé d’amour.
Pour l’œil tout plein de cette image
Le soleil n’est plus que nuage,
Et pâle est la lueur du jour.

Souvent à des festins de joie,
Convive malgré moi venu,
Assis sur des coussins de soie,
La coupe en main, je suis en proie
Au souci d’un mal inconnu.

Si le contagieux délire
Effleure mon front moins obscur,
Soudain au milieu d’un sourire,
Pareil à ce Roi, je crois lire
Des mots étranges sur un mur.

Les roses tombent de ma tête,
De ma main les gâteaux de miel ;
Adieu le festin et la fête !
Je vais consulter le prophète :
Ô Daniel ! ô Daniel !

Ineffaçable caractère
Que je trouve écrit en tout lieu !
Cruel et sublime mystère
Qui corrompt les dons de la terre
Et cache l’énigme de Dieu ;