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POÉSIES

Aura mis à son rang le grand homme qui tombe
Et fait, comme toujours, un autel de sa tombe,
Alors, si l’un de nous,
Le dernier, le plus humble en ces banquets sublimes
(Car le sort trop souvent aux plus nobles victimes
Garde les premiers coups),

S’il survit, seul assis parmi ces places vides,
Lisant, des jeunes gens les questions avides
Dans leurs yeux ingénus,
Et des siens essuyant une larme qui nage,
Il dira tout ému des pensers du jeune âge :
 « Je les ai bien connus ;

« Ils étaient grands et bons. L’amère jalousie
« Jamais chez eux n’arma le miel de poésie
 « De son grêle aiguillon,
« Et jamais dans son cours leur gloire éblouissante
« Ne brûla d’un dédain l’humble fleur pâlissante,
 « Le bluet du sillon. »


Est-il besoin de faire remarquer que, dans son Cénacle, Joseph n’a introduit que quelques poëtes et un jeune et grand peintre réellement unis entre eux et avec lui par des rapports intimes d’amitié et de voisinage ? Il n’a pu prétendre exclure d’un Cénacle idéal plus vaste et plus complet tant d’autres artistes qu’il ne nomme pas. (Note de l’Éditeur.)



POUR UN AMI

LA VEILLE DE LA PUBLICATION D’UN PREMIER OUVRAGE.


C’est demain, c’est demain qu’on lance,
Qu’on lance mon navire aux flots ;