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DE JOSEPH DELORME


Mais, depuis, l’orgueil en délire
A pris mon cœur comme un tyran ;
Je ne sais plus à quoi j’aspire ;
Ma nacelle est un grand navire,
Et me voilà sur l’Océan.

C’est demain, c’est demain qu’on lance,
Qu’on lance mon navire aux flots ;
L’onde en l’appelant se balance
Devant la proue ; amis, silence !
Ne chantez pas, gais matelots !



SONNET

À Ronsard
pour un ami qui publiait une édition de ce poète.


À toi, Ronsard, à toi, qu’un sort injurieux
Depuis deux siècles livre aux mépris de l’histoire,
J’élève de mes mains l’autel expiatoire
Qui te purifiera d’un arrêt odieux.

Non que j’espère encore, au trône radieux
D’où jadis tu régnais, replacer ta mémoire ;
Tu ne peux de si bas remonter à la gloire :
Vulcain impunément ne tomba point des cieux.

Mais qu’un peu de pitié console enfin tes mânes ;
Que, déchiré longtemps par des rires profanes,
Ton nom, d’abord fameux, recouvre un peu d’honneur !