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PORT-ROYAL

croyant toujours que c’est la continuation du premier effort et de la menace, n’osent paraître et s’enfuient plutôt. Pourtant, à la fin, la voix de M. d’Andilly se fait comprendre : elles accourent toutes alors au parloir, et trouvent la pauvre Mère encore à terre et sans connaissance. Elles la font revenir à grand’peine, et, dès que ses yeux se rouvrent, apercevant son père collé toujours à la grille, qui épiait ce retour à la vie, et qui, les bras tendus, semblait lui crier :

Encore un coup, vivez, et revenez à vous !

elle ne peut que lui adresser un mot et un vœu : C’est qu’il veuille bien, pour toute grâce, ne s’en aller pas ce jour-là.

Le passé était passé ; M. Arnauld promit tout. On emmena l’abbesse dans sa chambre pour l’y laisser quelque temps reprendre des forces, et on prépara un lit au parloir, proche la grille, pour qu’elle revînt s’y poser et qu’elle pût entretenir de là sa famille. Une conversation s’établit, paisible, affectueuse, et tirant même des émotions récentes plus de douceur. Mais voilà, pour varier le ton, que M. de Vauclair, le bernardin dont la prédication à la Toussaint et les conseils depuis avaient contribué au grand résultat, voilà que le bon directeur, qui s’était tenu prudemment clos et couvert jusqu’alors dans le gros de l’orage, jugeant l’occasion nouvelle favorable pour faire sa paix aussi, s’avisa de paraître et de vouloir justifier son conseil : il s’attendait même peut-être à des compliments. Mais, pour le coup, il tomba mal. Toute la colère apaisée ou réprimée, dont on ne savait plus que faire, se réveilla et se déchargea sur lui : ce fut un haro sur le pauvre moine ; M. Arnauld d’abord, M. d’Andilly surtout, très-pétulant en tout ceci, le tancèrent : il paya les frais de la réconciliation. De sorte, comme la Relation le remarque naïvement et un peu